2018 : Réchauffement climatique : la moyenne des températures n’est pas le bon indicateur
Par Vincent Mignerot
6 février 2018
Article
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Le 31 janvier 2018 le site Global-Climat commente une étude publiée initialement par Earth’s Future (American Geophysical Union). Cette étude rapporte, en appui sur des analyses statistiques effectuées sur une période de 50 ans, que le nombre de jours les plus chauds a connu un accroissement plus significatif que le réchauffement climatique lui-même. Cette tendance est exacerbée dans les villes, à cause de l’effet d’îlot de chaleur urbain.
Si je suis préoccupé par l’effondrement écologique lui-même et par ses effets sur notre adaptation, je suis aussi parmi les plus pessimistes sur la capacité de survie de l’humanité à terme, quel que soit ce terme, qui ne peut être connu (lire notamment : Crises, environnement, climat : pourquoi il est trop tard pour agir… depuis toujours et Interview Thinkerview : hypothèse de la fin de l’humanité). Je crains dans l’ensemble que nous ne puissions nous extraire de la contrainte de l’effet de la Reine Rouge, le niveau de stress adaptatif pour nos sociétés ne pouvant désormais qu’augmenter avec le temps, ce qui est inédit historiquement. Nous serions condamnés à exploiter toujours plus les ressources et l’environnement… afin de nous adapter à la fin des ressources et aux dégâts que nous causons sur l’environnement, jusqu’à épuisement totale des possibles adaptatifs.
Aux sociétés, aux civilisations qui ont disparu jusqu’à présent ont succédé d’autres communautés qui se sont déployées dans d’autres écosystèmes propices à l’existence humaine, suffisamment riches et stables. Mais aujourd’hui nous n’avons plus d’autre écosystème à exploiter, c’est l’ensemble de la biosphère qui est impacté. En outre le réchauffement climatique auquel nous assistons, s’il est déjà inquiétant sur le simple critère de la chaleur, l’est surtout parce qu’il engendre globalement une plus grande instabilité écosystémique, irrémédiable. Le GIEC le soulignait déjà en 2015, sans que cet article ait été beaucoup repris : à partir de 1,5 degrés le changement climatique entrerait dans une phase d’évolution non linéaire, aux effets globaux irréversibles et particulièrement hostiles à la vie dans son ensemble.
Ce que nous apprenons aujourd’hui sur l’augmentation de la fréquence des extrêmes, plus rapide que le réchauffement lui-même confirme les risques pour la viabilité des écosystèmes dont nous dépendons. Toute notre alimentation dépend du maintien d’un « équilibre écologique vital », c’est-à-dire notamment d’une dynamique des précipitations et des températures qui ne sorte pas d’un delta compatible avec les besoins vitaux des céréales et légumes que nous cultivons (des records au-delà des 50 degrés sont désormais mesurés régulièrement dans des pays autrefois plus tempérés et sont attendus en France également).
Le risque que ces températures extrêmes font courir est celui d’une destruction accélérée de cette dynamique autour de l’équilibre écologique vital. Lorsqu’un écosystème est détruit et que ses conditions d’existence ont disparu (à cause du changement climatique), il est impossible de revenir en arrière, de la même façon que lorsqu’on cuit trop un gâteau, on ne peut en récupérer les ingrédients pour en faire un autre à la cuisson idéale. Un écosystème qui subit des températures auxquelles il ne peut résister est détruit à tout jamais, même si la moyenne annuelle lui est supportable. Pour le dire simplement, lorsque l’humus a disparu, il a disparu (ou il faut un temps très/trop long pour le reconstituer), lorsqu’une espèce végétale ou animale est éteinte, c’est définitif, lorsque la chaîne alimentaire qui définit un écosystème est rompue elle est rompue etc… Le principe d’irréversibilité s’applique aussi au vivant, les dégâts que nous causons ne sont pas réparables et ils sont strictement cumulatifs à notre échelle.
Nous entrons dans un inconnu existentiel. Nous allons tenter de nous adapter à des valeurs moyennes de température, mais ce sont les valeurs extrêmes occasionnelles qui nous exposent en fait au plus grand péril, en particulier parce que l’agriculture souffrira de façon très importante de ces extrêmes.
S’il faut donc plus que jamais nous inquiéter d’un risque de déclin ou d’effondrement systémique, il paraît aussi primordial de ne pas rejeter l’utopie à “l’après”. Il est possible qu’il n’y ait pas d’après. C’est dès aujourd’hui que nous devons penser notre adaptation.
Pour aller plus loin :
Le syndrome de la Reine Rouge, François Roddier, Institut Momentum
Mignerot, V. 2017. Transition 2017 : Réformer l’écologie pour nous adapter à la réalité. Lyon : SoLo Editions